[4319,2]
Il paraît qu'Homère a vécu au 2.e siècle après
la destruction de Troie. L'éclat de son génie a
fait oublier les noms des autres poëtes qui chantaient comme lui les
hauts-faits des Grecs. Mais sans doute il a chanté comme eux des chants
lyriques détachés, et il n'a probablement jamais songé à composer un
poëme épique, et encore moins à en écrire un. De là ce qu'on dit de sa
cécité et de son indigence; il aura passé dans la suite pour aveugle
parce qu'il n'avait rien écrit; il aura passé pour indigent parce qu'il
allait d'une ville a l'autre. Après sa mort, la réputation de ses chants
alla toujours en
4320 croissant; les poëtes,
perdant d'ailleurs le génie inventif, chantèrent les
poesies[poésies] d'Homère; il y eut alors des
homérides. Pour flatter la vanité des villes dans lesquelles ils
chantaient, ils intercalaient dans ces vers de leur prédécesseur, des
éloges de villes et de peuples. On prétend que Lycurgue fut le premier qui fit rassembler et
rédiger les poésies d'Homère.
Mais ce législateur qui ne fit pas écrire ses propres lois, comment se
serait-il occupé à faire écrire des vers dans Sparte ville pauvre et
grossière? Solon régla l'ordre
dans lequel les chantres dans les fêtes publiques
*
(in queste,
tali poésie non erano, apparemment, intermezzi,
tanto più se si cantavano in ordine) devaient chanter les diverses poésies homériques, et Pisistrate les fit diviser
ensuite en deux grands poëmes, l'iliade et
l'Odyssée. Aristarque les subdivisa en 24 livres d'après le nombre des
lettres de l'alphabet grec. Alors se présenta une classe d'hommes, les
diaskeuastes, espèce de censeurs ou de critiques qui cherchèrent à
mettre de l'harmonie et de l'accord dans ces chants ainsi réunis et
coordonnés[]; ils lièrent des parties
détachées, levèrent des contradictions, supprimèrent des vers, des
passages interpolés, etc. Mais ce travail ne fut pas fait avec assez
d'art pour qu'on ne découvre des traces de leurs soudures; et leur
jugement ne fut pas toujours assez sain pour qu'ils sussent distinguer
ce qui appartenait à Homère
d'avec les interpolations de ses successeurs. À l'exemple de Wolf, M. Müller signale plusieurs passages qui
paraissent prouver que l'iliade et
l'Odyssée
4321 n'avaient point cette unité que ces poëmes
présentent aujourd'hui, et qu'ils n'étaient dans l'origine que des
chants lyriques détachés. Cependant Aristote ne les considéra que sous la forme qu'on leur avait
donnée à Athènes, et célébra Homère comme poëte épique. Depuis, on ne vit
plus dans l'iliade et l'Odyssée que deux
poëmes épiques. Assurément il règne une sorte d'unité dans chacun de ces
deux poëmes; mais c'est la même qu'on trouve, par exemple, dans les
romances espagnoles sur le Cid,
lorsqu'on les lit de suite. Dans l'Odyssée on pourrait
enlever les 4 premiers chants et la moitié du 15.e sans nullement faire
tort à la marche de l'action; c'est que le poëte ne les vivait jamais
réunis et n'avait jamais pensé faire un grand poëme. D'un autre côté
l'iliade et l'Odyssée ont des lacunes
que les diaskeuastes n'ont pas été capables de cacher. Dans
l'iliade le 1.er et le 5.e chants commencent par les
mêmes récits: dans le 5.e les événemens sont racontés comme si le poëte
n'en avait jamais parlé. Les débuts des deux poëmes paraissent avoir été
ajoutés par les diaskeuastes. Suivant l'usage de l'ancien temps, les
homérides faisaient précéder leurs chants d'une invocation religieuse.
Ce sont-là les prétendus hymnes homériques qui n'ont de commun avec le
grand poëte que d'avoir été chantés pour le début de ses morceaux
liriques. D.-G.
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(Depping.) Bulletin de Férussac, loc. cit.
{alla}
p. 4312. Octobre, 1824. tome 2. art. 239. p. 231 - 234.