10-11. Agos. 1828.
[4331,2]
Sur l'idiome moldave; extrait
d'un manuscrit de M. le Cte.
d'Hauterive. (Wilkinson,
Tableau de la Moldavie et de la
Valachie; traduit par M. de La Roquette, 2.e édit., appendix,
n. 9.) Cette langue, rude et grossière, est évidemment
d'origine romaine; mais à ce sujet l'auteur établit une hypothèse
particulière. Il suppose qu'il existait d'abord à
Rome une langue {populaire} qui avait des articles, des verbes auxiliaires et
toutes les formes embarrassantes qui, selon l'auteur, annoncent
l'enfance de la civilisation. Pendant que les orateurs et les écrivains
créèrent la langue classique, remarquable par sa précision et son
élégance, la langue du peuple se propagea dans les provinces de l'empire
et s'y modifia dans la suite d'après le génie {ou} les relations des habitans. Ainsi, selon le comte d'Hauterive, le
français, l'italien, l'espagnol, le moldave, ne sont pas dérivés de la
langue de Cicéron et d'Auguste: ces idiomes ont une origine plus
ancienne; ils viennent d'une langue antérieure, celle des premiers
habitans de Rome. Le moldave surtout lui paraît
être un reste de ce langage grossier. À l'appui de cette hypothèse
l'auteur donne 6 tableaux,
4332 dont les deux
premiers font connaître les temps des verbes auxiliaires être et avoir, en
français et en moldave. On y voit que le moldave a des temps composés
comme le français. Le troisième tableau comprend le verbe moldave iou laud, je loue. Le quatrième tableau tend à
prouver que les 4 langues romaines
vivantes, c'est-à dire le français, l'italien,
l'espagnole[l'espagnol] et le
moldave ont plus de rapport l'une avec l'autre qu'avec le latin. Il
semble pourtant que ces exemples ne sont pas tous bien choisis; par
exemple, le mot moldave zoon est aussi éloigné
du {mot} français jour que du latin, et le mot moldave pugn ressemble encore plus au latin pugnus qu'au français poing. Dans le
cinquième tableau l'auteur a rassemblé des mots communs
au[aux] quatre langues modernes, et
qui, bien que romains, ne s'accordent {pas} avec le latin classique: par exemple ignis, se rend dans les quatre langues par feu, fuoco, fuego et fuoc; ensis
par sabre (il fallait dire epée), sciabla, espada, sabbia; humerus par épaule,
spale (sic), espala (sic), espal. Ces exemples ne
prouvent pourtant pas que les 4 langues aient puisé dans un idiome plus
ancien que le latin classique, car les mots cités par l'auteur peuvent
{tout} aussi bien dater du temps de la
décadence de l'empire et de la langue latine; ainsi feu, fuoco, fuego et fuoc sont du temps de la
basse latinité, lorsque les mots anciens étaient déjà détournés en
partie de leur véritable acception, et lorsque le mot de foyer (focus), qui désignait d'abord le lieu du feu,
fut employé par les barbares pour exprimer le feu même. Enfin, dans le
dernier tableau, l'auteur a voulu rassembler des mots
4333 communs au latin et moldave, et manquant aux trois autres
langues, afin de prouver que le moldave ne dérive pas des langues
modernes. Parmi ces exemples se trouvent verbum, verbe; magis, moi (sic).
Cependant verbe et mais (autrefois dans le sens de magis) sont aussi français. Ces exemples ne peuvent donc
servir de preuve. D-G.
*
(Depping.)
Bull. de
Féruss. loc. cit. alla p. 4312. Févr. 1825. t. 3. art.
152. p. 118-9. (10-11. Agos. 1828.).